Touche pas à mon pote
Voilà maintenant plus d’une année que j’ai appris à connaître Meyron, Ali, Mohammed et les autres. Tous requérants d’asile dans les abris PC de la région. En un an j’ai eu la chance de discuter, mimer et échanger avec eux sur nos coutumes, religions et traditions respectives. J’ai eu la joie de les voir découvrir la neige, de vibrer avec eux pour soutenir la Nati. J’ai également voyagé à travers leurs récits de vie dans des paysages inconnus. Certains ont été contraints de nous quitter prématurément alors que ceux qui restent ont maintenant un petit job, une bonne amie suisse ou même un joli accent ! Cependant, ils sont nombreux à partager un même « blues ». Le blues de vivre sous terre et dans la promiscuité à l’année. Le blues de n’avoir plus de famille ni personne d’autre pour leur donner de l’amour. Le blues d’un pays qu’ils ne pourront jamais retrouver. Mais cela ne les empêche pas d’aller de l’avant, malgré les circonstances. Combien de fois ont-ils été fouillés et suspectés ? Combien de fois ont-ils dû essuyer en pleine rue des commentaires virulents, dans une langue qu’ils comprennent mal, proférés par de lâches anonymes ? Face à cette injustice criante, ils ont tous le même discours, las : « Le monde est comme ça ».
Auraient-ils perdu l’espoir ? Certainement qu’ils ont perdu confiance en l’Homme, mais pas en la Vie. Car aux termes de nos enrichissantes discussions un de ces jeunes hommes me confie ceci : « Aujourd’hui fut une bonne journée car je me suis senti aimé ».
Sans histoire, sans casier, celui qui pourrait être mon frère n’a commis qu’un seul tort : celui de ne plus avoir de passeport. À ceux qui l’accuseraient donc de « gâcher leur qualité de vie », je n’ai pour réponse que ce slogan, scandé déjà il y a 30 ans : « Touche pas à mon pote ! »
Robin Jaques

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